16/02/2021
Grille du langage
Œuvre réalisée à l’Acrylique
Peinte au couteau
Sur châssis entoilé
40 X 40
Retravaillée ensuite à l’encre.
Comme à mon habitude, j’aime qu’une œuvre puisse être regardée dans ses diverses orientations. Je vous invite donc à la tourner et à découvrir 😊
Deux lectures sont à l’origine de cette inspiration
- La première :
« Transparence » un roman d’anticipation de Marc DUGAIN : « Alors que la planète est gravement menacée par le réchauffement climatique, une petite start-up est sur le point de prendre le contrôle du secteur numérique… »
Son but : sauver l’humanité
Comment : par le transhumanisme
Petit extrait :
« [… ] Considérant que l’homme n’est fait que de matière destinée à se décomposer progressivement, cette pourriture gâchant au final tout ce qu’il y a de beau dans l’individu, en particulier sa pensée , sa sensibilité, son émotivité, son intelligence supérieure, nous avons considéré que toutes ces qualités aussi imparfaites fussent-elles méritaient d’être logées dans une enveloppe plus noble. Nous sommes passés de la chair au minéral et nous avons pris le parti que cette enveloppe durable soit l’exacte reproduction de la personne qui à vécu. […]
la chair doit être nourrie, abreuvée, ce qui produit des quantités de déjections considérables, sans parler du préjudice causé par l’agriculture pour la nourrir, les problèmes liés à l’eau, à la surpopulation causée par une reproduction frénétique […]
L’être humain tel qu’il existait jusqu’ici n’était plus viable dans l’environnement qui lui été assigné. […]
Grille du langage
Œuvre réalisée à l’Acrylique
Peinte au couteau
Sur châssis entoilé
40 X 40
Retravaillée ensuite à l’encre
Comme à mon habitude, j’aime qu’une œuvre puisse être regardée dans ses diverses orientations. Je vous invite donc à la tourner et à découvrir 😊
Deux lectures sont à l’origine de cette inspiration
- La première :
« Transparence » un roman d’anticipation de Marc DUGAIN : « Alors que la planète est gravement menacée par le réchauffement climatique, une petite start-up est sur le point de prendre le contrôle du secteur numérique… »
Son but : sauver l’humanité
Comment : par le transhumanisme
Petit extrait :
« [… ] Considérant que l’homme n’est fait que de matière destinée à se décomposer progressivement, cette pourriture gâchant au final tout ce qu’il y a de beau dans l’individu, en particulier sa pensée , sa sensibilité, son émotivité, son intelligence supérieure, nous avons considéré que toutes ces qualités aussi imparfaites fussent-elles méritaient d’être logées dans une enveloppe plus noble. Nous sommes passés de la chair au minéral et nous avons pris le parti que cette enveloppe durable soit l’exacte reproduction de la personne qui à vécu. […]
la chair doit être nourrie, abreuvée, ce qui produit des quantités de déjections considérables, sans parler du préjudice causé par l’agriculture pour la nourrir, les problèmes liés à l’eau, à la surpopulation causée par une reproduction frénétique […]
L’être humain tel qu’il existait jusqu’ici n’était plus viable dans l’environnement qui lui été assigné. […]
Par avidité il (l’homme) a détruit sa propre planète, la transformant en décharge. Je voulais que chaque être humain qui le mérite puisse muter dans des matériaux qui sans rien changer à son esthétique, à son intelligence et à son âme le transportent vers l’éternité.
Cette métamorphose n’a été possible que parce que depuis quatre-vingts ans, nous collectons des milliards de données sur chaque individu qui nous ont permis de savoir précisément qui il est et de le reconstruire en partant d’algorithmes qui ne changent rien à sa liberté de penser. Cette génération d’humains va devenir immortelle et il n’y en aura pas d’autre. Elle ne pourra pas se reproduire. »
Un roman qui interroge sur notre relation aux choses, au matériel, à l’environnement et au rôle des données numériques collectées ainsi qu’à notre dépendance vis-à-vis du numérique et bien d’autres sujets encore tout à fait d’actualité.
Je pense aussi à Charlie Chaplin et aux Temps modernes, lequel abordait déjà en son temps cette thématique de l’homme-machine…
De Nouvelles formes de communications s’installent, s’instaurent par le biais d’outils dont nous devenons de plus en plus dépendants, de façon plus intense encore en cette période de pandémie, laquelle provoque à la fois isolement et dépendance.
- La seconde
Il s’agit d’une relecture des poèmes de Paul Celan , notamment « Sprachgitter » ou « Grille de lecture » mais aussi « barrière de langage ».
Paul Celan est un écrivain originaire de Czernowitz, tout comme Rose Ausländer, autre grande poétesse et amie de Celan!
Deux poètes qui ont vécu l’holocauste, l’émigration, appris plusieurs langues , repensé la poésie comme le lieu d’une remémoration à la fois du passé personnel, des sentiments individuels, du tragique et de l’anéantissement collectif. Une poésie qui devient préhension du présent , projection vers l’avenir, prévision du futur.
La poésie de Celan prête une attention pointue aux données immédiates de la conscience. Le « Ich » (Je) s’identifie au « Herz » (cœur).
« La réalité n’est pas ; elle doit être cherchée et gagnée » dira le poète, comme si la poésie, en quête de précision et de matérialité, pouvait ou devait conjurer l’oubli et l’anéantissement de l’holocauste.
Dans une interview au Spiegel en 1968, Celan explique qu’au cœur de sa poésie réside un principe « d’individualisation radicale » qui permet de faire advenir par l’hermétisme systématique la plus grande ouverture au monde.
« La Poésie, Mesdames et Messieurs : cette parole d’infini, parole de la mort vaine et du seul Rien » « Parle, toi aussi, fusses-tu le dernier à parler » P.Celan.
La Poésie allemande est-elle possible après Auschwitz ?
Adorno, lui-même juif, et grand admirateur de Celan, doutait qu’après Auschwitz il fût possible d’écrire des poèmes en allemand.
Paul Celan, Rose Ausländer (qui a connu les deux guerres !) Elfriede Jelinek lui ont prouvé que cela était possible.
Ils ont composé des poèmes où chaque mot choisi est chargé de sens, de symbolique, explore toutes les dimensions du temps et de la mémoire.
Aujourd’hui, certains titres d’ouvrages sont jugés non adéquat avec le contexte actuel et sont changés, ; l’idée d’une réécriture d’œuvres classiques germent dans les esprits ; la terminologie jugée obsolète est remplacée par une nouvelle considérée comme reflétant mieux le contexte sans pour autant répondre à un véritable changement.
Le sens des mots sonne creux, vidé de leur substance, se métamorphose en d’autres formulations qui n’ont que l’apparat d’une notion de sens « flou-artistique » qui mènent et prêtent à confusion et au non-sens .
Le mot ne devrait-il pas refléter la réalité de ce qu’il signifie vraiment…
Et ne pas être des mots-aveugles !
Biographie succincte :
De son vrai nom Paul Antschel, ou Ancel( en langue roumaine), Paul Celan est né en 1920 à Czernowitz, en Bucovine. ; Cette province Austro-hongroise passe successivement à la Roumanie, puis, en 1945, à l’URSS.
Poète juif germanophone, né loin d’Allemagne et qui finalement aura vécu la moitié de sa vie à Paris sans vivre en Allemagne.
La famille Antschel est juive, de tradition hassidique et de langue maternelle allemande. Sous le fascisme d’Antonescu la persécution sévit ; les parents sont déportés et mis à mort, lui-même est interné dans un camp de travail.
En 1947, Paul Antschel réussit à quitter Bucarest où il a publié ses premiers poèmes sous le pseudonyme de Celan (anagramme de Ancel).
Il séjourne à Vienne , puis rejoint Paris où il exercera divers métiers avant de devenir lecteur d’allemand à l’école normale supérieure . Il obtient la nationalité française, écrira sa propre poésie, et traduira les poètes tels que Shakespeare, Ungaretti, Char, Valery .
Celan se jette dans la Seine en 1970, deux semaines après une ultime lecture de ses poèmes devant les auditeurs de la société d’Hölderlin, à Stuttgart.
Quelques poèmes de Paul Celan:
Extrait du livre Paul Celan Choix de poèmes – Poésie Gallimard -Traduction de Jean Lefebvre
SPASMES,
je t’aime, psaumes, Ich liebe dich psalmen
les parois sensibles au fond du gouffre-Toi die Fühlwände tief in der Du-Schlucht
jubilent, toi la Bariolée de semence, frohlocken, Samenbemalte,
Éternelle, inéternisée, toi, Ewig, verunewigt bist du,
éternisée, Inéternelle, toi, verewigt. Unewig,du
hei, hei ,
en toi, en toi in dich, in dich
je chante la gravure du bâton d’os, sing ich die Knochenstabritzung,
Rouge rouge, loin derrière la Rotrot, weit hinterm Schamhaar
toison arpégé, dans les cavités, geharft, in den Höhlen
dehors, tout autour, draußen, rundum
l’infini canon-du-pas un seul, der unendliche Keinerlei-Kanon,
toi, tu me lances neuf fois du wirfst mir den neunmal
lové le ruisselant geschlungenen, triefenden
collier de craches. Grandelkranz zu.
Pavot et Mémoires Mohn und Gedächtnis
Le sable des Urnes Der Sand aus den Urnen
Vert moisi est la maison de l’oubli Schimmelgrün ist das Haus des Vergessens
Devant chacune des portes flottant Vor jedem der wehenden Tore
Au vent bleuit ton trouvère décapité ; blaut dein enthaupteter Spielmann ;
Il bat sur son tambour de mousse Er schlägt dir die Trommel aus Moos
Et d’amère toison ; und bitterem Schambaar;
Il peint d’un orteil suppurant mit schwärender Zehe malt er
Dans le sable ton sourcil. Im Sand deine Braue.
Il le trace plus long qu’il n’était, Länger zeichnet er sie als sie war,
et le rouge de ta lèvre . und das Rot deiner Lippe.
Tu remplis les urnes ici Du füllst hier die Urnen
Et tu nourris ton cœur . und speisest dein Herz.
Grille de parole Sprachgitter
Rond d’un œil entre les barres. Augenrund zwischen den Stäben.
Vibratile animal paupière Flimmertier Lid
Rame vers le haut, rudert nach oben,
Permet un regard. Gibt einen Blick frei.
Iris, nageuse, sans rêve et morose : Iris, Schwimmenerin, traumlos und trüb :
Le ciel, gris-cœur, doit-être proche der Himmel, herz-grau, muβ nah sein.
Penché, dans la bobèche de fer, Schräg, in der eisernen Tülle,
Le copeau fumeux cracheur de suie. Der blackende Span.
Au sens de la lumière Am Lichtsinn
Tu deviens l’âme. Errätst du die Seele.
(Si j'étais comme toi. Si tu étais comme moi. (Wär ich wie du. Wärst du wie ich.
N'étions nous pas Standen wir nicht
sous un seul et même alizé? unter einem Passat?
Nous sommes des étrangers.) Wir sind Fremde.)
Les carreaux, par terre. Dessus, Die Fliessen. Darauf,
sérrées l'une contre l'autre, les deux dicht beieinander, die beiden
flaques gris-coeur : herzgrauen Lachen:
deux zwei
pleines bouches de silence. Mundvoll Schweigen.
*Paul Celan Choix de poèmes Poésie/Gallimard , avec une préface assez complète de la vie du poète.
*Les Littératures de Langue Allemande depuis 1945 Nathan Université – Fac Littératures étrangères.
*Paul Celan die Niemandsrose Gedichte Fischer Verlag
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